Quentin est un joueur d’échecs. Un jour il nous a expliqué avoir un handicap, la dyspraxie. Nous lui avons demandé s’il serait d’accord pour une interview, il a accepté aussitôt. Nous vous la livrons telle quelle, sans aucune modification.

Bonjour Quentin, merci d’avoir accepté cette interview : Pourriez-vous vous présenter succinctement ?

Bonjour. J’ai 35 ans et suis professeur de français et journaliste. Je suis aussi entraîneur de tennis de table.

Qu’est-ce que la dyspraxie ?

Vous nous avez expliqué avoir un handicap : « La dyspraxie ». Pouvez-vous expliquer ce qu’est la dyspraxie, et les impacts que cela peut avoir au quotidien ?

La dyspraxie fait partie des troubles « dys » (dyslexie, dysorthographie,…). C’est un trouble du développement moteur qui touche la planification, la réalisation, la coordination et l’automatisation des gestes volontaires. Au quotidien, je peux rencontrer des problèmes de lenteur extrême pour faire toutes les tâches. Ce qui parait facile pour certains est difficile pour moi (cuisine, ménage,…). Il existe différents types de dyspraxie et une personne n’a pas forcément tous les problèmes cités. Pour ma part, je rencontre essentiellement des problèmes pour planifier (planification quasiment impossible), réaliser et coordonner.

Comment ce handicap de la dyspraxie évolue-t-il avec le temps ?

C’est un handicap invisible qui évolue avec le temps. En effet, plus je vieillis, plus j’ai du mal à faire certaines choses surtout dans le domaine professionnel. On peut aussi « soigner » une petite partie des troubles grâce à un psychomotricien.

Boris Cyrulnik nous parle de la résilience des enfants qui ont subi des traumatismes dans l’enfance et qui pourtant parviennent à les surmonter. Comment avez vous vécu votre dyspraxie ?

Quand j’étais enfant, j’étais harcelé à l’école mais je n’ai jamais eu de problèmes dans ma famille. Je n’ai pas été diagnostiqué « dyspraxique » puisque le mot n’existait même pas il y a vingt ans. Les troubles « dys » n’étaient pas reconnus comme des handicaps. On disait que j’étais fainéant. Je suis parvenu à le surmonter en faisant des activités ludiques et du sport. J’ai été diagnostiqué il y a seulement cinq ans. À partir de ce moment là, j’ai compris tout un tas de choses sur mes difficultés.

Le jeu d’échecs et la dyspraxie

À quel âge avez-vous découvert le jeu d’échecs ? Qu’est ce qui vous plaît dans ce jeu ?

J’ai découvert les échecs à l’âge de six ans. Mon père m’a appris le déplacement des pièces et un peu de stratégie (le centre, les ouvertures, le développement). Ce qui me plaît dans ce jeu, c’est la patience et la capacité de concentration. Mais je n’ai pas joué (doutant de mes capacités) pendant presque vingt-cinq ans. J’ai repris il y a un an. Je suis actuellement débutant mais je cherche à m’améliorer.

Avez-vous appris rapidement ? Facilement ?

J’ai appris facilement le déplacement des pièces. En revanche, j’ai mis presque dix ans pour apprendre les bases du jeu stratégique.

Quels sont, selon vous, les impacts de la dyspraxie dans votre jeu sur l’échiquier ?

J’ai vraiment du mal à me concentrer. De plus, je suis dyspraxique visuo-spatial. Sur une heure, je suis concentré environ quinze minutes. C’est pour cela que je préfère jouer en blitz ou en partie rapide (moins de quinze minutes). Je retiens par cœur les cinq premiers coups d’une ouverture donc si l’adversaire ne joue pas les coups classiques, je suis gêné.

Plus généralement, quels sont les bienfaits que le jeu d’échecs vous apporte dans votre vie de tous les jours ?

Je développe jour après jour grâce aux échecs ma capacité de concentration même si elle ne pourra jamais être optimale. Ce jeu me soulage et me calme. Couplé à la pratique du tennis de table, le jeu d’échecs m’aide à me donner envie de faire plus de choses. J’ai découvert récemment les cours particuliers d’échecs et c’est vraiment le format qui me correspond.

Et vos parents, qu’est ce qu’ils nous diraient ?

Mes parents vous diraient que, finalement, grâce aux activités ludiques et aux échecs, j’ai finalement réussi à construire ma vie contrairement à ce que beaucoup de professeurs me disaient…

Apprendre les échecs à un enfant dyspraxique

Si nous voulons apprendre à jouer aux échecs à un enfant avec une dyspraxie, y a-t-il des conseils généraux qui seront valables pour tous ?

Chaque enfant est unique. J’ai eu des élèves dyspraxiques. Je vous dirais de prendre votre temps et de laisser l’enfant découvrir par lui-même, de s’assurer qu’il aime jouer aux échecs et surtout de trouver des manières ludiques de lui apprendre à jouer.

L’estime de soi est capitale dans le développement d’une personne. Quelles autres choses avez-vous faites dans la vie vous ont donné confiance ?

J’ai trouvé des solutions dans l’écriture de poèmes, les jeux vidéo, la méditation, le tennis de table, le théâtre, les jeux de cartes, le scrabble de club et le chant. Je me passionne pour tout ce que j’entreprends.

Pour tous nos nombreux lecteurs qui liront cette interview, et je pense surtout aux parents d’enfants qui sont atteints par la dyspraxie, qu’aimeriez vous leur dire ?

« Il m’a fallu tomber de si haut quelquefois pour savoir que les autres ne savent pas pour toi », cet extrait de chanson résume bien ce que je pourrais leur dire. Il faut trouver des choses et des gens qu’on aime. Aussi, il s’agit de se donner les moyens de réussir même si ce n’est pas toujours facile. Voici un poème sur mon handicap intitulé Dys :

 

Toi qui es différent

Toi qui apprends

Quand même

Je t’aime

 

Toi qui vois des étoiles

Qui es dans ta planète

Allez ! On fait la fête

C’est chouette

 

Toi qui penses autrement

Sens-tu cette puissance ?

Sens-tu les différences

Avant ?

 

Grâce au sixième sens

Des « dys »

Oui, cette différence

Magique 

 

Oui, toi pour qui les lettres

Sont barrées, inversées

Et qu’on prend pour un être 

Taré

 

Rassure-toi gamin

Rassure-toi gamine

Je reviens de si loin

Devine 

 

Oui, toi pour qui les chiffres

Sont des célibataires

Qui t’font tomber le pif

Par terre

 

Toi à qui on a dit :

« Tu ne f’ras jamais rien

T’es pas comme on a dit

Commun « 

 

Je t’écris ce poème

À toi qui mets dix plombes

Pour résoudre un problème

De blonde !

 

J’n’ai jamais réussi

Tous ces trucs pour les fous

Les robinets qui fuient

J’m’en fous !

 

Je fais partie des « dys »

Des dix qui sont perchés

Des cons je peux m’en dis-

Penser 

 

Fin de l’interview.

Note de la rédaction. Ce témoignage nous a beaucoup émus. Nous sommes fiers de compter Quentin parmi nos élèves/fans d’échecs. Nous recevons régulièrement des témoignages et cela nous conforte dans notre ambition de faire découvrir ce magnifique jeu au plus grand nombre.

Voilà pour cette interview sur la dyspraxie et les échecs. N’hésitez pas à la partager en cliquant sur les icônes ci-dessous.

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