Pedro Damiano était un joueur d’échecs portugais réputé au début du 16ème siècle. Né vers 1480 et décédé vers 1544, il est surtout connu pour son livre « Questo libro e da imparare giocare a scachi et de le partite », publié en 1512. Cet ouvrage est l’un des plus anciens traités d’échecs connus. Il a joué un rôle important dans la diffusion de la connaissance du jeu d’échecs en Europe à la Renaissance.

La vie de Pedro Damiano

La vie de Pedro Damiano reste enveloppée dans le mystère. Les détails de son existence sont peu documentés et souvent entourés de suppositions. Originairement appelé Pedro Damião, il est supposé avoir fui le Portugal pour Rome en 1497. Le roi Manuel Ier offrait en effet aux Juifs le choix déchirant entre la conversion, l’exil ou la mort. Cette période tumultueuse de l’histoire portugaise a contraint de nombreux Juifs à chercher refuge loin de leur terre natale.

À Rome, Pedro Damiano travailla comme apothicaire. C’est un métier qui lui permit peut-être de se fondre dans le quotidien de la ville tout en conservant une part de son identité originelle. Il adopta le nom de « Damiano ». Cela a mené à des confusions historiques avec un évêque du Moyen Âge, Pierre Damien. Il est intéressant de noter que le choix de ce nom pourrait ne pas être anodin. Saint Damien est le patron des apothicaires. Cela suggère que Pedro aurait pu choisir ce pseudonyme de manière délibérée. Peut-être pour souligner son métier ou pour des raisons plus personnelles et symboliques.

Bien que Damiano soit aujourd’hui reconnu pour sa contribution à l’univers des échecs, aucun portrait authentique de lui n’a survécu, ce qui ajoute à son aura de mystère. Cela n’a toutefois pas empêché sa ville natale d’Odemira de lui rendre hommage. Un monument lui est dédié. Et chaque année, Odemira célèbre sa mémoire à travers le tournoi d’échecs Open Damiano. Cet évènement attire des amateurs et des professionnels des échecs qui viennent honorer l’héritage de ce pionnier du jeu d’échecs.

Le traité de Damiano

Le traité de Pedro Damiano représente une œuvre fondamentale dans l’histoire des échecs. Publié en 1512 à Rome, ce livre fut rédigé en italien et en espagnol, reflétant non seulement la richesse linguistique de l’époque mais aussi l’importance culturelle de l’Italie comme centre de diffusion du savoir. Le timing de la publication de son ouvrage semble avoir coïncidé avec un changement notable dans la perception des échecs au sein de l’Église. Le pape Léon X a en effet levé la condamnation des échecs qui avait été auparavant proclamée par divers synodes. Ces jeux étaient notamment interdits aux ecclésiastiques. Le pape a semble-t-il reconnu dans l’œuvre de Damiano la valeur scientifique, artistique et pédagogique des échecs.

La défense Damiano

La défense Damiano illustre bien la profondeur stratégique qu’il a introduite dans le jeu. Cette défense se déclenche par les coups 1.e4 e5 2.Cf3 f6. C’est une suite que Damiano lui-même a analysée et critiquée dans son traité. Bien qu’il ait montré que jouer 2…f6 peut conduire à des faiblesses significatives pour les Noirs, notamment en permettant un échec mat rapide par 3.Cxe5, cette ouverture porte son nom en raison de l’attention détaillée qu’il lui a consacrée.

Dans son analyse, Damiano a démontré que la poussée du pion f en début de partie expose dangereusement le roi noir. Ce faisant, il a non seulement mis en lumière les risques de cette approche, mais aussi montré comment les Blancs peuvent exploiter ces faiblesses. La défense Damiano est donc plus qu’un simple ensemble de coups. Elle sert ainsi de leçon cruciale sur l’importance de la sécurité du roi dans les phases initiales du jeu.

Dans son traité, il a également critiqué la fameuse défense qui prendra plus tard le nom de Philidor où les noirs poussent leur pion en d6 au 2ème coup car cela bloque leur Fou de cases noires.

Les 10 principes du traité

Pedro Damiano, dans son traité sur les échecs, a énoncé des principes de jeu qui demeurent pertinents pour les joueurs d’échecs de tous niveaux. Voici les « 10 Règles de Damiano » qui reflètent sa profonde compréhension stratégique du jeu :

1. Ne jouez aucun coup sans but, à moins que la nécessité ne vous y force. Chaque mouvement doit avoir un objectif clair. Il faut améliorer la position, créer une menace ou répondre à celle de l’adversaire.

2. Ne péchez pas par négligence ou par aveuglement. Restez vigilant et attentif aux possibilités et aux menaces sur l’échiquier, en évitant de sous-estimer votre adversaire.

3. Ne jouez pas vite. Prenez votre temps pour analyser la situation avant de faire un mouvement. La précipitation peut conduire à des erreurs évitables.

4. Si vous disposez d’un bon coup, regardez toujours s’il n’y en a pas un qui lui soit préférable. Toujours chercher la meilleure option disponible, en examinant plusieurs alternatives avant de décider du coup à jouer.

5. Quand on a l’avantage, on doit faire des échanges, pourvu qu’on n’y perde pas cet avantage. Simplifier la position en échangeant des pièces peut être une stratégie efficace lorsque vous êtes en position de force, tant que cela ne diminue pas votre avantage.

6. Si vous avez un avantage au moyen duquel vous puissiez gagner la partie, n’abandonnez pas l’attaque (ou n’abîmez pas votre position) pour gagner un pion. Il est important de ne pas se laisser distraire par de petits gains matériels au détriment d’une stratégie gagnante globale.

La sécurité du Roi

7. Utilisez le saut du Roi pour le mettre en sûreté. Assurez la sécurité de votre roi dès que possible, le roque permet très souvent cela.

8. Les deux pions situés du côté où le Roi a été placé (par exemple g2 et h2) ne doivent être joués qu’en cas d’absolue nécessité. Évitez de créer des faiblesses autour de votre roi, l’adversaire pourrait en profiter.

9. Élargissez le front de vos pièces. Déployez vos pièces de manière efficace pour contrôler le centre et exercer une influence sur l’ensemble de l’échiquier.

10. On doit ouvrir le jeu avec ses Pions, et se garder de tenir ses pièces enfermées. Utilisez vos pions pour soutenir vos pièces, particulièrement les pions du roi et de la dame à la quatrième rangée (d4 et e4), et si possible, les pions des fous à leurs côtés (c4 et f4), ce qui est typique dans les ouvertures telles que le Gambit Dame et le Gambit Roi.

Ces règles montrent que Damiano ne voyait pas seulement les échecs comme un jeu de tactiques, mais aussi comme un art nécessitant réflexion et prévoyance. Elles restent une base solide pour tout joueur désirant améliorer son jeu.

Notez aussi qu’un échec et mat porte le nom de mat de Damiano.

Conclusion

Pedro Damiano, avec son traité révolutionnaire et ses contributions durables au monde des échecs, reste une figure emblématique de la Renaissance intellectuelle. À travers son œuvre, il a non seulement enrichi la littérature échiquéenne mais a également posé les jalons d’une compréhension plus profonde et stratégique du jeu. Les principes et analyses de Damiano ont transcendé les siècles, offrant encore aujourd’hui des leçons précieuses aux joueurs de tous niveaux.

Son influence se manifeste non seulement dans les stratégies et les ouvertures qu’il a développées mais aussi dans son approche pédagogique des échecs, considérant le jeu non seulement comme une compétition mais comme un moyen d’éducation et de développement personnel. L’héritage de Damiano, célébré chaque année à Odemira avec un tournoi en son honneur, rappelle donc que les échecs sont plus qu’un simple jeu. Ils sont une expression de l’intelligence, de la culture et de l’histoire humaine.

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